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           L’EAU À MIMET

 

           Une très vieille affaire, qui a commencé bien avant Cézanne. On dit l’eau des Mimétains venue d’une source située en contrebas, à 260 mètres de distance, ce qui faisait 520 mètres pour un aller-retour : on revenait à plein ! Nul besoin d’inciter à l’économie de l’eau en ce temps. Il est probable que cette source correspondait à celle dite du « Lavoir », au bas du chemin de la Megre. Pour les difficultés du transport, la communauté s’offrit les services d’un « devin d’eau » venu d’Auriol en 1777 : vains efforts. On recommence et cette fois, on trouve. Source trop lointaine, sous le Géant, nommée aussi Bau de Roman, ou pas assez généreuse, elle ne donne pas lieu à un aménagement profitable. Cependant l’endroit reçoit un nom : « Coulet de la fontaine Saint-Sébastien » dès 1791. Il devait s’agir d’un suintement appréciable tel celui de « Manjaïre » juste au col de la Basse vers Saint-Savournin. Sources connues parfois depuis la préhistoire, aujourd’hui perdues, sèches, mortes, tuées par la « galerie de la mer » au fond de la mine et par les dérèglements climatiques actuels.

          Il restait aux Mimétains les citernes : quelques maisons en ont encore. Elles n’étaient pas grosses, 6 à 10 m3. Mais les orages de l’été les réalimentaient au fur et à mesure. Elles étaient construites avec soin, elles devaient être étanches et ne pas se corrompre : du charbon de bois suffisait à les purifier. L’eau du ciel, alors, n’était pas polluée. A tout le moins, elles permettaient le nettoyage de la vaisselle, du ménage, des rares toilettes, abreuver le bétail, un peu d’arrosage, de la cuisine… comme à Gardanne chez l’amie de Cézanne.

          Vaille que vaille, les Mimétains vécurent de la sorte jusqu’en 1865 : date mémorable pour notre village. Alors, on réussit à capter une source au-dessus de Mimet, sans doute vers le Bau de Roman. L’eau arrivait cette fois « par gravité » comme disait dans « Manon des Sources » l’ingénieur de « l’argilocalcaire » ! Aussi lui construisit-on la belle fontaine de la Place : conque en pierre froide, lion en fonte, robinet, les fers pour mettre la cruche, deux pilastres encadrant un fronton, le tout appuyé à des plis de roches calcaires que les géologues de la Faculté de Marseille venaient admirer autrefois.

           Ce que l’on sait peu à Mimet, c’est qu’à l’arrière de cette fontaine, sous l’église et l’ancien presbytère, a été creusé un très vaste réservoir, des centaines de mètres cubes. Enorme citerne alimentée par cette source sans doute mais aussi par le « bélier à soupape fractionnaire », machine hydraulique mystérieuse à la technologie révolutionnaire : le fait est qu’en 1888 c’est réalisé. Mais ça ne marche pas bien ! Cette fois l’eau venait d’en bas, d’en haut. Alors, au XXe siècle, on lui fit un moulin à vent métallique, en somme une éolienne, pour l’aider à franchir le dénivelé (50 à 60 mètres). On établit un réseau de fontaines, à savoir : une près de chez Simone Samat et Gaston Romanet, sculpteur à l’opinel. Une autre près des vespasiennes devenues célèbres grâce à Fernandel dans « le Boulanger de Valorgue », une troisième en haut des escaliers qui joignent la rue Mistral et la rue Basse. La quatrième se trouvait dans le contrebas de Mimet près de chez Julien Dalmasso. La sagesse des édiles mimétains fit que chacun avait moins de 50 mètres à faire de sa maison à la fontaine, et en terrain à peu près plat. Bien sûr, on se plaignit encore ! Sans oublier la fontaine de la Place et la pompe devant le presbytère, pompe qui se désamorçait et qu’il fallait remettre en route en lui apportant de l’eau ! Malgré les pompes électriques qui remplacèrent le bélier et l’éolienne, quand il n’y avait plus rien à pomper, les fontaines, même celle de la Place, ne donnaient plus rien : en particulier l’été, au moment des « estivants » et des « Marseillais ».

          Alors, il restait la source du Lavoir, à la Megre, les citernes pour ceux qui avaient pu les garder. Comme dans « Jean de Florette », la noria des porteurs d’eau, munis de brocs et d’arrosoirs se remettait en place, ainsi qu’avant 1865.

          Ce n’est qu’en 1957 que l’eau du Verdon, grâce au « Projet Rigaud » et à l’habileté du maire d’alors, Monsieur Achille Magère, arriva à la pile, c’est-à-dire à l’évier. L’éolienne, tordue et rouillée,  tomba, le bélier fut oublié, les bornes disparurent sauf celle de la Place et la grande citerne est sèche.

          L’eau courante à Mimet, semble-t-il inépuisable, rendit possible le tout-à-l’égout : finies les discrètes cohortes, au petit matin, des porteuses de tinette vers les latrines publiques, finis les engrais naturels pour tomates, poivrons et pois chiches. Comme par magie, l’eau abondante disparut du paysage public.

          On oublia qu’elle est, avec l’air et la terre, notre bien le plus précieux.                                                                      

                                                                            Duplessy Bernard

 

 

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